Le four communal

La reconstruction du four

Aux alentours de l’année 1918, il apparaît que le four communal (actuellement la bibliothèque) a besoin de travaux de rénovation voire même de reconstruction. Il faut dire qu’il a été « réduit » en 1810 et que sa structure a dû souffrir de cette modification. La mairie prend donc une délibération pour engager les travaux. L’entreprise retenue est A. VERNADEL, Construction de fours de tous systèmes pour la boulangerie, la pâtisserie et l’industrie.

Les établissements Vernadel avaient leur magasin aux 31 et 33 de la rue Ballainvillers. Ils fabriquaient, non seulement des fours et accessoires pour les boulangeries et pâtisseries, mais vendaient aussi toutes sortes de matériels, outillage, pétrins, scies électriques, moteurs, pompes, groupes électrogènes, bref c’était un grand magasin, installés en centre-ville, bien avant qu'apparaissent les premières zones industrielles et commerciales.

Si nous n’avons plus les délibérations de cette époque en mairie, nous avons retrouvé les courriers envoyés au fil du chantier par Mr Vernadel. Un premier rendez-vous est pris pour établir un devis, mais Mr Vernadel a un contretemps et envoi un courrier le 3 mai 1918 pour reporter le rendez-vous en ces termes : « Messieurs, contrairement à ce que je vous avais promis de vous rendre visite dimanche, il ne m’est pas possible d’y aller. Ce sera pour un jour de la semaine, mais je viendrais le matin au premier train. Dans l’attente je vous prie d’agrée, Messieurs, mes empressées salutations. ». En effet, en service depuis la fin du XIXème siècle la gare de Vassel permet de se rendre facilement sur Clermont-Ferrand.

Le rendez-vous a bien lieu dans la semaine puisqu’un devis est envoyé le 13 mai 1918 avec un courrier d’accompagnement : « Veuillez trouver ci-inclus mon devis relatif à la réfection de votre four, qui après un examen plus précis se monte à francs : 1678, y compris le transport de tous les matériaux.

Vous aurez à votre charge la fourniture du sable et l’enlèvement des vieux matériaux qui seront de reste après l’achèvement.  D’autre part, savez-vous jusqu’à quelle somme vous êtes autorisés à traiter pour un marché de gré à gré[1]. Je ne crois pas que la Préfecture vous autorise, toutefois je vais me renseigner. Si oui, j’établirai un marché sur feuille de 60 centimes que je vous adresserais à signer. Du reste, j’aurais l’occasion de vous revoir cette semaine, je vais travailler à Billom, mercredi jusqu’à la semaine prochaine. »

Le devis propose la reconstruction du four communal à cuire le pain avec chauffage renversé, dit à ouras.

[1] Un marché de gré à gré est un marché sur lequel les transactions sont conclues directement entre le vendeur et l’acheteur.

 

Un oura est un conduit qui part de l'arrière du four et qui va dans la cheminée. Cela sert à diriger les flammes à l'intérieur des grands fours. Les flammes cherchent l'oxygène, dans un grand four sans gueulard, il n'y a que la porte, donc les flammes sont vers l'avant. Donc difficile de chauffer le fond. Avec un oura, les flammes peuvent être aspirer par l'arrière et chauffer le fond. En revanche après la chauffe, il faut les refermer pour ne pas perdre trop de chaleur.

A la suite de ce courrier, les tractations continuent entre la mairie et l’entreprise. Les deux échanges des informations et le 28 mai 1918, Vernadel envoi un nouveau courrier qui confirme que le marché peut être conclu entre les deux directement en gré à gré : « Monsieur, suite à ma dernière lettre et aux renseignements pris au sujet de votre installation de four. Vous pouvez traiter de gré à gré pour cette somme. En conséquence vous voudrez bien me faire connaître par un mot s’il faut vous établir un marché en double sur papier timbré que vous signerez à côté de ma signature, et vous joindrez votre délibération du conseil Municipal et me retournerez le tout. Je le ferais viser à la Préfecture, à moins que vous veniez vous-même. ». Dans le même courrier, sans doute pour faire écho à une demande de rabais, Vernadel rajoute les détails suivants : « Je dois vous dire que j’ai de prêt le matériel pour cette affaire, mais ne garantis pas de l’avoir plus tard, ni au même prix. Entre autres, je vous compte la chaux 5 francs le sac, je l’ai payé 5.50 francs à Billom. Je n’apporte aucune modification à mon devis pour cela ; mais l’option n’a de valeur que pour un courrier. ». Deux choses se dégagent de cette fin de courrier, il n’est pas possible d’obtenir un rabais et le marché doit être conclu rapidement.  

Toutefois, la commune, dont les finances sont entamées par les quatre années de guerre qui viennent de s’écouler, demande tout de même à l’entreprise un rabais, ce que Vernadel refuse par un courrier en date du 12 juin 1918 dans lequel il écrit : « En réponse à votre estimée du 2 courant, j’ai l’avantage de vous faire connaître qu’il ne m’est pas possible de vous consentir un rabais. Je rencontre de plus en plus de difficultés pour me procurer des matériaux et les prix sont en hausse journellement. Votre devis serait à refaire, il serait majoré de 150 francs. Ne voulant pas revenir sur ma parole, je maintiens ce prix ; mais sans garantie d’avoir le matériel passé huit jours. Entièrement dévoué à vos ordres, je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations bien empressées. »

La mairie décide donc par un courrier en date du 16 juin 1918 de valider le devis avant que le prix des matériaux augmente à nouveau et Vernadel le confirme par un courrier en date du 18 juin 1918 : « Monsieur, je suis en possession de votre lettre du 16 courant m’apportant confirmation de mon devis. Je vous adresse ci-joint la copie en deux exemplaires. ». Pour la garantie, il ajoute « Les garanties sont normales. Tous mes fours sont garantis de vices de construction et de solidité (sauf usure) pendant 5 ans. » et pour l’exécution des travaux, il précise : « Je ferais en sorte que ce four soit reconstruit vers la fin juillet ou commencement août et sitôt mon devis approuvé par la Préfecture, je vous enverrais les matériaux. ».

Le prochain courrier concernant ces travaux est envoyé par la Préfecture au député de la circonscription, le 13 juillet 1918 : « Monsieur le député, vous avez bien voulu appeler mon attention sur une délibération du Conseil Municipal de Vassel, sollicitant une subvention pour la reconstruction du four communal ainsi que l’autorisation de traiter au gré à gré avec Mr Vernadel pour cette reconstruction. J’ai l’honneur de vous faire connaître que la délibération du Conseil Municipal formulant cette demande a dû être renvoyé à la mairie de Vassel pour renseignements complémentaires et pour production de diverses pièces destinées à constituer le dossier. »

Toutefois, le même jour la Préfecture adresse à la mairie un courrier attribuant à la commune une subvention pour cette opération : « Monsieur le Maire, je suis très heureux de vous informer que la commission départementale par décision d’hier a accordé la subvention de 3000 [francs] que vous avez sollicité en faveur de votre commune pour reconstruction du four banal. ».

Plusieurs mois passent sans que nous n’ayons de courriers dans les archives, le suivant date du 4 décembre 1918 et concerne des équipements complémentaires d’occasion pour le fonctionnement du four que souhaite acquérir la commune. La liste est la suivante : 1 étouffoir[1], 1 rouable[2], 1 écouvillon[3], 1 pelle à braise, 2 pelles rondes. Il adresse leur demande aux entreprises Vernadel qui « [prend] bonne note pour vous procurer les quelques objets d’occasion » et ajoute « J’ai en magasin rouable et pelles d’occasion. Mais l’étouffoir sera difficile à trouver. Un étouffoir neuf vaut de 125 à 150 francs suivant sa grandeur, d’occasion il faut compter moitié prix, c’est-à-dire 60 à 75 francs. La tôle noire vaut 360 francs les 100 K. brut. ». Toutefois, le fait que la commune commande des accessoires ne signifie pas que l’opération a été soldé. En effet, Vernadel profite pour demander « D’autre part vous voudrez bien me faire connaître si votre percepteur a les fonds nécessaires pour solder votre four ou si c’est à reporter sur l’exercice prochain. Vous serez bien aimable de me dire la date approximative et me faire le mandat en temps opportun. ».

 

[1]L’étouffoir à braises est un grand récipient métallique fermé hermétiquement, grâce à un couvercle bien hermétique. Il s’en trouve en fer ou en cuivre. Les femmes les posaient au sol, près de la cheminée, car elles y mettaient des braises incandescentes. La raréfaction de l’air, dans le pot refermé empêchait les braises de se consumer, dans le but de les transformer en charbon de bois. L’étouffoir est cylindrique, muni d’anses latérales et d’un couvercle emboîtant, à fond plat, porté par une haute batte, qui est une large et haute bande de métal et qui sert de socle permettant de l’isoler du sol. Vous trouverez aussi des modèles d’étouffoirs, qui consistent en une grande cloche en poterie plombifère ou en métal (tôle de fer ou fonte) d’environ 60 cm de diamètre, munie d’une anse que l’on place directement sur les braises. L’étouffoir avait sa place dans de très nombreux foyers mais aussi chez certains artisans comme le boulanger, dont le four était un élément essentiel de l’activité !

 

[2] Petit racloir que l’on utilise pour disperser les braises du four à pain.

[3] L'écouvillon sert à laver la sole entre décendrage et enfournement

Apparemment la trésorerie leur a demandé des pièces complémentaires avant de payer puisque le 3 janvier 1919, Vernadel écrit : « Monsieur, j’ai bien reçu votre lettre du 31 courant, et en réponse j’ai l’avantage de vous faire connaître que j’envoie ce jour à l’enregistrement à Pont-du-Château votre marché. Dès que j’en serais en possession, je vous l’adresserais et vous me remettrez celui que vous avez en échange. Les pièces exigées, sont seulement, le marché et à la rigueur un procès-verbal de réception. Mais cette pièce n’est pas indispensable ou du moins je ne le crois pas, car j’ai bien fait d’autres travaux pour [des] communes et on ne me l’a jamais exigée. En tous cas, ces frais resteraient à votre charge car ils n’ont pas été prévus. Muni de toutes les pièces, le percepteur doit pouvoir m’adresser le montant du mandat, moins les frais en m’envoyant les pièces à signer, que je lui renverrais par retour, car actuellement il ne fait pas bon de rouler en bicyclette. Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur, mes empressées salutations. » 

Le dernier courrier date du 11 janvier 1919, Vernadel écrit « Monsieur, veuillez trouver ci-inclus, un exemplaire de notre marché ; enregistré, comme je vous le disais dans ma précédente. Vous n’aurez qu’à le présenter au percepteur avec le mandat et autres pièces nécessaires et m’adresser les fonds. En attendant je vous prie d’agréer monsieur le maire, mes empressées salutations. ».

Ce courrier clôture tout le processus de reconstruction du four communal, équipement indispensable à l’époque.